Le tout, c’est de ne pas faire attention aux autres. C’est dans cet état d’esprit qu’Amu aimait déambuler dans les couloirs de son nouveau pensionnat, une cigarette aux lèvres, toujours allumée, sans doute jamais la même, la musique dans ses oreilles toujours suffisamment forte pour en faire profiter tous ceux qu’elle croisait. Ceci dit, contents ou pas, elle s’en fichait pas mal. Bien que ne connaissant encore personne, elle se savait déjà un minimum connu. Sans doute que même son si grandiose paternel ne pouvait faire taire les médias sur deux meurtres. Enfin, petit soupir, après tout, qu’est-ce que quelques délinquants de bas étages, un peu bagarreurs, pouvaient bien faire à cette jeune fille ? Elle avait juste remarqué que quand elle passait dans les couloirs, on s’écartait sur son passage et vas-y que ça murmure. Elle qui n’avait jamais été intéressé par les ragots et autres potins, ne comprenait pas l’engouement des gens face à ce phénomène de mode. Mais après tout, si c’était leur façon de jouer, qu’ils jouent, elle était bien capable de stopper le mécanisme quand il l’énerverait. La demoiselle fut ramenée à la réalité par un petit rat qui passa en courant à côté d’elle, leurs deux épaules s’entrechoquant. Déjà qu’elle était de mauvaise humeur, elle avait enfin trouvé une distraction. Elle le prit par le col, sans même enlever ses écouteurs, éteignant sa cigarette sur le mur derrière le visage du gamin, à quelques centimètres de son visage. Un peu plus et il allait se pisser dessus. Tant pis pour lui, il n’avait pas frappé à la bonne porte pour de la pitié. Sauf que deux garçons vinrent poser une main sur chacune de ses épaules. Visiblement, elle venait de voler le repas de ces messieurs. Tant pis, ils lui serviraient de plat principale, elle n’aurait de toute façon pas pu se contenter de la crevette pour calmer ses nerfs déjà bien malmenés. Sentant qu’on forçait un peu trop, elle daigna enlever une de ses oreillettes pour capter le flot de paroles, entre les supplications de sa victime terrorisée et ceux qui se pensaient suffisamment forts pour la déranger en plein encas.

« L’touche pas, l’est à nous.

« Pitié, aidez moi… Je m’excuse !

Elle remit son écouteur, se tournant vers les deux gros bras sans lâcher sa victime. Et étrangement, ils lâchèrent en même temps ses épaules, faisant un pas de recul. Mais pour comprendre cette réaction, un point sur les vêtements de la demoiselle est à faire. Au niveau purement vêtements, elle ne s’était pas embêtée, un pantalon noir customisé pour le bas, accompagné de new rock, une bande de tissu sur l’endroit où aurait du se trouver sa poitrine, noire bien entendu, ainsi qu’une vaste manche longue ouverte qui permettait de bien voir ses abdos un peu trop développés, bien que cachant les muscles de ses bras qui normalement, suffisaient à dissuader les moins courageux, en guise de haut. En coiffure, ses cheveux mi-longs laissés presque libres, juste entourés d’un bandeau noir, cheveux bien entendu noirs avec des mèches blondes qu’elle s’était amusée à se faire la veille. Ne pas oubliez son maquillage assez conséquent, mettant très bien ses yeux en valeur… Mais surtout les deux lentilles rouges vifs qui ressortaient très bien sur cet ensemble de noir et de blanc, tant sa peau était pâle. Voilà le monstre qui jeta un regard glacial aux deux gros bras.

« Gomen ne ! Demo, kore wa ore no mono dakedo, shinpai shinaide yo ! Temera wa next da !*

Amu n’avait pas compris un traitre mot de ce qu’ils lui avaient dit, n’étant pas japonais, mais elle avait répondu en japonais, et en dialecte des bas fonds de Tôkyô. Cependant, ils comprirent la menace. Elle les empêcha de s’enfuir en cassant le nez d’un des deux garçons et en enfonçant son genou dans l’entrejambe du deuxième. Elle avait beau se considérer comme un garçon, elle était tout de même bien heureuse de ne pas avoir ce point faible inutile, cette chose qui servait de sexe aux hommes. Tout comme elle n’avait pas ses boules de graisse appelées seins. Y en a qui ont vraiment de la chance. Un sourire sadique s’étira sur ses lèvres tandis qu’ils tombaient tous deux à genoux. Puis elle se tourna vers sa petite souris, qu’elle n’avait toujours pas lâchée. Elle lui décocha un coup de tête qui suffit presque à le faire tomber dans les pommes. Quelques minutes plus tard, elle le laissait glisser le long du mur, deux ou trois côtes cassées, une autre fêlée, sans doute un genou de casser aussi, la mâchoire à coup sûr… et quelques autres petits dégâts mineurs, comme un ou deux doigts… Puis elle se tourna vers les deux garçons. Elle avait réussi à ne pas se tâcher et comptait bien à ce que ça dure. Aussi se contenta-t-elle d’écraser la tête de celui qui avait le nez cassé par terre, achevant de casser son nez, et sans doute la main qu’il avait mis dessus. Puis elle le retourna du bout de la chaussure et l’attrapa par le t-shirt, pour le lever jusqu’à sa hauteur. Une fois leurs yeux à la même hauteur, elle le propulsa contre le mur du couloir contre lequel il se laissa glisser lamentablement, définitivement achevé. Puis vint le tour du deuxième. Une nouvelle séance de torture commença, tellement distrayante que la demoiselle décida même de sortir une nouvelle cigarette de son sac et de se l’allumer. Quelques minutes plus tard, elle abandonna le corps couvert de sang, les bras faisant un angle avec son corps pas très naturel, et sans doute que la côte perçant à moitié sa peau n’était pas très naturelle aussi.

Le tout n’avait pas pris plus d’une dizaine de minutes, aussi Amu se décida-t-elle à bouger avant l’arrivée des surveillants. En moins d’une semaine ici, elle avait déjà récolté plus de séances avec leur psy qu’elle ne l’aurait voulu pour toute une vie. Aussi préférait-elle mettre les voiles, après tous, les rares témoins garderaient le silence sur la direction de son départ. Il ne serait pourtant pas dur de deviner l’auteur de tant de méchanceté à l’état pure. Mais ça lui importait peu. Qu’on le sache, qu’on la craigne, au moins, elle réinstaurerait son régime de terreur. Au bout de quelques minutes de marche, elle décida de jeter son dévolu sur une salle de classe vide dans laquelle elle entra. C’était un laboratoire. Elle se dirigea naturellement vers le fond. Elle n’avait jamais réellement fréquenté de salles de classe, petite, un précepteur s’occupait d’elle, et après son départ, elle avait juste arrêté l’école, vivant de ses délits, et du hackage des comptes en banque de son père. Elle colla plusieurs tabourets puis s’allongea dessus, une nouvelle cigarette aux lèvres. Black Devil, cigarettes japonaises noires au goût si fort que certains avaient l’impression de fumer un joint avec juste une seule. Cigarettes que la demoiselle fumait sans s’arrêter, allumant la suivante avec le mégot encore incandescent de la précédente. Autant dire qu’elle ne vivrait pas vieille. Mais elle s’en fichait. Après tout, le principal, dans la vie, c’est de s’amuser. On n’a qu’une vie, nan ? Et tant pis si ça ne plaisait pas à ses victimes.